Les tortues marines à nouveau au cœur des trafics
Itampolo, Androka, Antsikoroke…Les villages de pêcheurs du littoral Sud de Madagascar ont fait état d’un phénomène alarmant, ces dernières semaines : le trafic de tortues de mer qui s’ajoute à celui des tortues terrestres.
Au début du mois de juin 2012, le maire d’Androka, commune rurale et côtière du Sud, a signalé la présence, dans sa circonscription, de trafiquants de plastrons de tortues de mer. Le plastron est la partie ventrale et plate de l’animal, très prisée par les consommateurs. Des carapaces de tortues de mer ont été retrouvées autour de son village. Les enquêtes ont mené à l’arrestation d’une femme qui a dénoncé quatre autres personnes. Ces dernières ont confirmé l’existence du trafic et du réseau, actif depuis janvier 2012.
35 000 Ar par kilo
Les produits sont livrés à un ressortissant chinois de Toliara, le prix du kilo de plastrons variant entre 25 000 et 35 000 Ar par kilos. A chaque livraison, une quarantaine de kilos de plastrons sont vendus et acheminés hebdomadairement par pirogue ou par taxi-brousse. La pêche des tortues marines est donc devenue une activité première pour les pêcheurs de la région. Non loin de là, à Antsikoroke, l’on estime qu’au moins cinq tortues marines sont tuées toutes les semaines et qu’environ 50% des pêcheurs se sont lancés dans la pêche aux tortues, en utilisant des filets spécialement confectionnés à cet effet. Tous les mois, une dizaine de pirogues quittent le village à destination de Toliara où les tortues de mer sont vendues.
Mais cette activité illicite est aussi protégée par le silence des villageois, comme c’est le cas à Ambohibola. La présence d’un tel trafic a été fortement niée par certains villageois bien que des carapaces de tortues de mer ont été aperçues dans un fossé : elles ont été entassées et brûlées.
Les tortues terrestres toujours menacées
Par ailleurs, le trafic de tortues terrestres continue toujours. Au début du mois de juin, les villageois d’une communauté de base de Zoenarivo, non loin d’Itampolo ont signalé la présence de braconniers de tortues terrestres qui furent par la suite arrêtés par la gendarmerie, sur ordre du substitut de Tribunal. Selon les investigations, ces trafiquants sont originaires de Toliara. Cinq sacs de tortues terrestres ont été retrouvés, mais les braconniers ont réussi à prendre la fuite.
La gendarmerie a transféré les tortues en zone forestière, avec l’appui du WWF, de Madagascar National Parks, des communautés de base et des autorités de Zoenarivo.
Les enquêtes continuent
Les enquêtes continuent actuellement jusqu’au démantèlement du réseau. Les communautés locales d’Ambohibola, à travers les comités de gestion des ressources naturelles, prévoient de porter l’affaire auprès du Tribunal : en effet, une forte majorité des membres de ces communautés souhaitent en découdre avec ces infractions, malgré quelques réticences que les prochaines sensibilisations vont sans doute raisonner. « Cette mission conjointe des entités directement impliquées à l’application des législations de la pêche semble bénéfique et renforce les comités de gestion dans leurs initiatives. D’autres missions conjointes sont prévues avant la fin de l’année au Sud et au Nord de Toliara, ainsi qu’une grande opération de sensibilisation », explique Gaétan Tovondrainy, chef de projet de WWF dans le Sud de Madagascar.
Le Coordinateur du Programme Marin, Harifidy Ralison, soutient : «Il devient très pressant d’établir à partir de maintenant une collaboration très étroite entre les agences gouvernementales, ONG et communautés locales pour trouver ensemble des solutions appropriées face à la recrudescence de l’exploitation illégale de nos richesses naturelles. Ces solutions devraient également tenir compte du niveau exceptionnel de paupérisation associée aux conditions actuelles qui incitent largement à la corruption ». La collaboration des communautés de base n’est pas à négliger : malgré l’étendue du défi, les villageois ne font pas économie de leurs efforts.