De l’eau potable à Beheloke
De l’eau potable à BehelokeBeheloke, commune rurale du Sud de Toliara, a inauguré ce 4 octobre 2012, la première unité de dessalement et traitement d’eau de ce littoral. Grâce à cette nouvelle unité, les 400 familles de ce village de pêcheurs peuvent désormais disposer d’eau potable au quotidien.
Les villages de pêcheurs qui bordent ce littoral Sud n’ont pas ou rarement de l’eau potable : Beheloke, Ambola, Itampolo, Androka… Autant de lieux où l’on ne consomme que de l’eau de mer ou de l’eau saumâtre. Pour s’approvisionner en eau, les villageois doivent parcourir entre 6 à 12 km : autant dire toute une expédition qui mobilise les hommes, les femmes, les enfants, les zébus, les charrettes. Ceux qui n’ont ni zébu, ni charrette achètent leur eau à raison de 700 Ar le bidon de 20 litres. 20 litres qui ne suffisent pas aux familles, généralement nombreuses : même si les villageois en veulent plus, ils ne peuvent pas se le permettre car les points d’eau tarissent rapidement. Aussi, les premiers arrivés sont les seuls servis. 20 litres d’une eau impropre à la consommation, à l’origine de plusieurs maux : « Nous faisons souvent face à des maladies de la peau, des yeux, des diarrhées à cause de cette eau saumâtre. Les enfants en bas âge sont les plus grandes victimes », explique Ranjatoson, maire de la commune rurale de Beheloke. Ces puits, si rares, servent aussi d’abreuvoir aux bétails. Des conditions d’hygiène très critiques, pour une commune actuellement désertée par les médecins. Le maire, qui est également infirmier, prend le relais avec les moyens du bord.
Parce que puiser de l’eau prend du temps, les villageois ne peuvent pas toujours se le permettre. A Beheloke, comme c’est le cas dans les villages du littoral Sud, les habitants ont pris l’habitude de creuser dans le sable pour en extraire de l’eau. Des puits de fortune d’où ne sortent que quelques seaux d’une eau extrêmement salée : à Beheloka, le taux de salinité de l’eau consommée au quotidien est de 19 pour mille. « Cette eau nous sert à boire, à cuisiner, à faire la vaisselle, à laver le linge, à prendre soin de nos familles. Comme vous le voyez, elle ne suffit pas et le peu que nous avons n’est pas particulièrement hygiénique » commente Soazanahana, mère de famille.
De l’eau dessalée
C’est dans ce contexte plutôt ardu qu’a été imaginé un projet d’adduction d’eau potable à Beheloke, commune pilote. Ce projet, fruit du partenariat de cette commune, de WWF Suisse et Madagascar, de l’Association Solarspar et de l’Association pour le Développement de l’Energie Solaire (ADES), permet aux habitants de s’approvisionner dans leur propre village d’une eau traitée, saine et potable.
Cette unité fonctionne grâce des panneaux solaires. Elle pompe l’eau saumâtre qui est ensuite traitée et purifiée pour donner de l’eau potable qui peut varier de 350 à 5 000 litres par jour, selon les saisons. Cette unité de dessalement va desservir les 2 200 habitants de Beheloka, à raison de 20 litres d’eau tous les deux jours. « Cela ne suffit pas, évidemment, mais c’est un premier pas qui compte beaucoup à nos yeux. Grâce à cette unité, nos familles seront à l’abri des maladies, de la diarrhée. Nous apprendrons à gérer l’eau potable dont nous disposons déjà pour que chaque famille puisse l’utiliser à bon escient », commente le maire de Beheloka. Les villageois doivent ainsi prioriser l’utilisation de l’eau potable chez eux. Une gestion de priorités que les mamans prennent au sérieux : « Les bébés et les petits d’abord. Puis l’eau à boire. Puis la cuisson. Pour le bain, on ira toujours à la mer. Pour la lessive, on prendra dans les points d’eau », comme l’explique Joahely, 34 ans, épouse et mère de quatre enfants.
Pour la commune pilote, c’est une nouvelle organisation à maîtriser : un comité de gestion de l’eau, conseillé par les sages et les aînés de chaque grande famille, des règles d’hygiène à appliquer, des règles d’utilisation de l’eau potable. Ndrevezo, l’un des anciens du village, explique : « C’est un héritage exceptionnel que nous laissons à nos enfants : de l’eau que l’on peut boire. Nous appliquerons les règles d’hygiène avec sérieux, car nous savons ce qu’est la valeur d’une eau potable pour en avoir manqué depuis toujours » .
L'unité de dessalement est fabriquée par la société suisse Trunz qui l’a installé avec l’Association pour le Développement de l’Energie Solaire (ADES). Cette dernière a également assuré tous les travaux nécessaires, du puits au réservoir d’eau, en passant par le watershop. La commune rurale de Beheloke, propriétaire de l’unité de dessalement a confié la gestion des infrastructures et du service eau à l’association communautaire « Vezo Mitsinjo ny Ho Avy ». Cette association a pour vocation de gérer durablement les ressources marines desquelles dépendent les familles de pêcheurs. Pour ce faire, elle a mis en place un comité de gestion de l’eau, formé et appuyé par les équipes de WWF pour assurer la pérennité du service. En particulier, des techniciens locaux ont été formés pour la maintenance des infrastructures.
Le littoral Sud de Toliara fait partie des paysages marins les plus riches en biodiversité de Madagascar. Il compte plus de 6 000 espèces marines inventoriées, une centaine de coraux, dix espèces de mammifères marins, cinq espèces de tortues marines et le fameux cœlacanthe. C’est un lieu de reproduction des baleines et une zone économiquement importante en matière de pêcherie. A travers ce projet, WWF continue d’intégrer une dimension sociale et humaine dans la conservation de l’environnement: « C’est par la responsabilisation des communautés que nous pouvons assurer une gestion efficace de nos ressources naturelles. Ainsi, il est important que ces communautés puissent vivre dans des conditions de vie décentes. L’accès à l’eau potable est vital pour leur santé et leur bien-être. Cela cadre tout à fait la mission de WWF qui est de préserver l’environnement, en harmonie avec les hommes », explique Voahirana Randriambola, Coordinatrice du Programme Footprint de WWF Madagascar et Océan Indien Occidental.