Jacyntha, femme primatologue et fière de l’être!

Posted on 13 octobre 2021
La faculté des sciences de Madagascar a émergé plusieurs primatologues, parmi elles, Jacyntha Ambinintsoa. Cette femme de terrain, mère de famille et scientifique émérite est aussi responsable technique dans le sud-ouest de Madagascar au sein du WWF.
Interview.
 
- Pourquoi des études en primatologie ?
J’ai toujours aimé les lémuriens, aussi simple que ça, je voulais découvrir le maximum de choses sur ces animaux. De plus, mon père m’a beaucoup inspiré à faire ce métier car il a travaillé dans le domaine de la conservation de la biodiversité.  Je suis ses traces!
 
- Quels sont les débouchés de ces études? 
Il y a beaucoup d’options, contrairement aux préjugés, non nous ne travaillons pas tous sur les lémuriens. On peut travailler dans le tourisme, la recherche, la conservation en général et pourquoi pas devenir enseignant à son tour ?
 
- Est-ce qu’être primatologue  convient aux femmes? Pourquoi?
Pourquoi pas ? J’en suis la preuve vivante. Il suffit de se donner les moyens de le faire et être très exigeant en termes d’objectifs. Oui, il y a cet aspect aller dans les forêts, les difficultés d’être sur terrain mais ce n’est pas un blocage.
 
- Racontes-nous brièvement ton parcours professionnel pour inspirer d’autres jeunes femmes.  
J’ai eu mon de DEA en Biologie de la conservation de la Fac des sciences de Tana.
Après mon diplôme, je n’ai pas tout de suite trouvé du boulot ; du coup j’ai suivi une formation dispensée par l’ATBC, « Association for Tropical Biology and Conservation ». En 2016, je décroche mon premier travail en tant qu’assistante de recherche dans un organisme de conservation. Je deviens ensuite responsable de projet de recherche sur les lémuriens dans cette même organisation. J’ai ensuite entamé une autre formation au sein du Middlesex University à l’île Maurice sur la gestion des espèces en danger critique d’extinction. Aujourd’hui, je travaille en tant que responsable technique pour les aires protégées et la biodiversité terrestres au sein du WWF dans le paysage Mahafaly.
Il faut que j’avoue que j’ai été plusieurs mois au chômage avant de trouver mon premier boulot dans le domaine de la conservation. Mais cela m’a aidé à forger ma patience, il ne faut pas se décourager, il faut être optimiste tout en améliorant ses connaissances et son expérience grâce aux formations, stage ou volontariat.
 
- Es-tu passionnée par une espèce de primates en particulier ? Laquelle et pourquoi ? 
J’aime tous les lémuriens en général, mais je suis particulièrement passionnée par le Sifaka (Propitecus verrauxi). Saviez-vous que cette espèce ne bois pas d’eau ? Elle tire de l’eau à partir des végétaux qu’elle mange pour s’hydrater ! C’est un comportement que le Sifaka a développé pour s’adapter au milieu dans lequel il vit.
 
- Quel perspective as-tu pour la primatologie à Madagascar ?
Un grand primatologue a dit un jour, la France a la tour Eifel, l’Egypte a les pyramides et nous Madagascar on a les lémuriens, qui ne se trouvent d’ailleurs nulle part ailleurs. J’aimerais que la science qui aide à connaitre ces trésors nationaux soit mieux valorisée et promue à Madagascar. La primatologie aide d’abord à connaitre les lémuriens mais contribue aussi à les protéger de manière efficace et durable.
 
- Primatologues, vous êtes importants pour la science ! 
Près d’un tiers (31%) de toutes les espèces de lémuriens de Madagascar sont aujourd’hui en danger critique, à seulement un pas de l’extinction, et 98% d’entre elles sont menacées, selon la dernière mise à jour de la Liste rouge de l’UICN des espèces menacées. Alors oui, nous sommes importants pour la science, pour le monde entier car nous participons activement à la sauvegarde des lémuriens.
 
- Une découverte sur les lémuriens qui t’as marqué? 
En 2014, lors d’une recherche, j’ai suivi des Sifaka pendant plusieurs mois, j’ai remarqué qu’ils étaient très solidaires et incarnaient beaucoup la valeur du « fihavanana » dirait-on en malgache J c’est étonnant venant d’animaux, ils se protègent et s’entraident beaucoup.