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Madagascar, nouveau front de déforestation

Madagascar fait partie de 24 régions au monde récemment identifiées comme « fronts de déforestation » selon un rapport sorti en ce début d’année 2021.

On aurait aimé une meilleure nouvelle pour l’environnement et la nature après avoir subi les impacts de la pandémie pendant toute une année.  Mais voici la triste réalité à laquelle il faut faire face !
 
Ces 24 fronts, dont nous faisons partie, concentrent le plus de « points chauds » de déforestation ; les forêts y sont les plus fragmentées et les tendances de la déforestation future y sont à la hausse. En tout, cela représente plus de 43 millions d’hectares perdus entre 2004 et 2017, soit à peu près « l’équivalent de la superficie du Maroc » - qui soit dit en passant n’est que d’une quinzaine de millions d’hectares plus petit que Madagascar.
 
Ce n’est pas le premier rapport de la sorte. En 2015, le WWF avait sorti le rapport Forêts Vivantes qui faisait état de 11 fronts de déforestation à travers le monde et Madagascar n’y figurait pas. En effet, nous sommes un « nouveau front » au même titre que le Libéria, le Ghana et la Côte d’Ivoire sur le continent africain. Hormis les considérations  méthodologiques – qui ne sont pas à négliger,  loin de là – à la base des analyses de ces deux rapports de 2015 et 2021, le constat est tout de même clair et sans équivoque : la situation s’est empirée. La perte de forêts pour le pays est estimée à un peu moins d’un million d’hectares entre 2004 et 2017, les forêts de l’ouest et de l’est étant les plus touchées.
 
Mais que s’est-il donc passé entre ces deux rapports ?  
 
Le rapport de 2021 mentionne, pour Madagascar, l’agriculture de subsistance,  la demande en bois énergie et les feux de pâturage incontrôlés comme étant les principales causes de la déforestation passée,  actuelle et future.  Cela ne nous apprend rien de nouveau. Ce sont plutôt les causes derrières ces causes qu’il faudrait creuser.  En voici quelques-unes :
 
Tout d’abord, la croissance démographique qui entraîne l’augmentation de la demande en bois, charbon et autres produits forestiers car nous sommes passés de 17,8 millions habitants en 2004 à près de 27 millions en 2020 ; s’ajoute à cela l’augmentation de la population urbaine – on s’approche des 40% en 2021 ; les ménages urbains utilisant plus souvent le charbon de bois que le bois mort ramassé sans compter les petites et parfois grandes entreprises consommatrices de charbon elles aussi.
 
Ensuite, nous avons augmenté en nombre mais malheureusement pas en pouvoir d’achat ni en accès aux services de base, en particulier pour ceux vivant en milieu rural, enclavé et qui n’ont – encore et toujours  - d’autres alternatives que l’agriculture itinérante ou l’élevage extensif. S’ajoutent à cela les aléas climatiques et leurs conséquences sociales et économiques, notamment la migration vers les zones forestières ou côtières où les ressources sont plus facilement accessibles.
 
Enfin, une crise politique de 2009 à 2013 et surtout, pour le secteur de l’environnement, une valse de pas moins de onze ministres en dix ans (en comptant les portraits dans la salle d’attente du ministère) et aucun cadre de long-terme, ni de moyen terme d’ailleurs, pour guider et coordonner l’action environnementale et la gestion des forêts à travers une vision et un plan clairs pendant cette période ; ce qui fait que la gestion des ressources naturelles s’est principalement fait par un pilotage à vue, sans continuité au cours de la dernière décennie. Cette situation a d’ailleurs favorisé la multiplication des trafics organisés de ressources naturelles depuis cette période et leurs impacts sur la gouvernance, la sécurité, et les forêts.
 
Le Plan Emergence Madagascar (PEM) comporte bien un chapitre environnemental, mais dans la réalité,  à quel rang se trouvent vraiment les forêts et les communautés qui les protègent et en dépendent, parmi les nombreuses priorités de nos gouvernants ?
 
La déforestation est un problème complexe et multidimensionnel qui requiert des réponses tout aussi élaborées, multidimensionnelles et intersectorielles. Les solutions simples ne seront pas efficaces. Reboiser est une partie incontournable de la solution, mais cela ne suffira pas. Il nous reste encore beaucoup à faire pour que la vision « ho rakotra ala i Madagasikara » ait la chance de devenir un jour futur, une réalité alors retroussons nos manches !