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Nos Nouvelles
Attention: l’ours brun est de retour en Suisse
Par Mark Schulman
Après une absence d’une centaine d’années, les ours semblent être de retour en Suisse... ou tout au moins, un représentant de l’espèce. L’été dernier, un ours brun a été aperçu dans le canton des Grisons, en Suisse, à l’extrémité orientale du pays, près de la frontière avec l’Italie et l’Autriche. Ce retour de l’ours a suscité beaucoup d’enthousiasme chez les uns et une certaine appréhension chez les autres. Il soulève également un grand nombre de questions. D’où venait l’animal ? Était-il perdu ou ne faisait-il que passer par là ? Et surtout … d’autres ours vont-ils suivre ?!
Jadis, les populations d’ours étaient relativement nombreuses dans toute la Suisse mais aussi dans pratiquement toute l’Europe. Acteur de longue date du paysage naturel local, l’ours a même donné son nom à la capitale helvétique, Berne (fondée au 12e siècle), et l’animal occupe aujourd’hui une place de choix sur le drapeau et les armoiries de la ville. Mais l’estime portée à l’ours fut de courte durée et les ours — à l’instar des autres grands carnivores tels que le loup et le lynx — furent rapidement persécutés jusqu’à l’extinction de l’espèce.
« Par nature, les ours ne sont pas agressifs et n'ont pas d'ennemis naturels, » indique Marzio Barelli, historien local du canton du Tessin, « mais ils furent chassés par les hommes qui les percevaient comme un danger pour leurs troupeaux. »
Dans son ouvrage publié récemment, il rapporte que 167 ours furent tués dans le Tessin pour la seule période de 1808 à 1885, et qu’une belle prime était payée aux chasseurs, 30 Francs pour un mâle et 50 Francs pour une femelle, soit environ un mois de salaire à cette époque.
« Il n’existait en ce temps-là aucun organisme de conservation. Pas une voix ne s’éleva pour protester contre l’élimination des ours,» ajoute Marzio Barelli.
La persécution des ours s’intensifia, tandis que leur habitat se réduisit au fil des années en raison de la croissance démographique, de l’industrialisation et de la conversion des forêts en terres agricoles et pour l’exploitation du bois, de sorte que l’inéluctable se produisit. Le dernier ours en Suisse fut tué en 1904, dans la vallée alpine orientale de S-charl, tout près de l’entrée de l’actuel Parc national suisse.
Par delà la frontière
Cent ans plus tard, un ours surgit de nulle part. Hallucination ou magie ?
Non, reproduction de l’espèce !
Le mâle adolescent aperçu pour la première fois en Suisse, en juillet 2005, près du parc national de la Vallée de Müstair, provenait d’une petite population d’une vingtaine d’individus qui se trouvait dans la région voisine du Trentin, en Italie, à quelque 50km de la frontière suisse. Cette population d’ours alpins se reproduit régulièrement depuis que des ours importés de Slovénie ont renforcé ses rangs entre 1999 et 2002. Selon le WWF, organisation mondiale de protection de la nature, quelque 70 ours vivaient encore dans le Trentin dans les années 50, mais il ne restait plus que trois vieux mâles dans les années 90, excluant toute perspective de reproduction.
« La réintroduction d’ours bruns de Slovénie en Italie a joué un rôle important dans la préservation de l'une des dernières populations alpines, » explique Joanna Schoenenberger, spécialiste des grands carnivores au Programme alpin européen du WWF.
« Plusieurs corridors naturels existant entre l’Italie et la Suisse, il était prévisible qu'un jour ou l'autre l'une des progénitures quitterait sa tanière et franchirait la frontière... ce n’était qu'une question de temps. Il y a assez de nourriture et d’espace pour eux, ici. Leur retour est un indicateur de l'amélioration de l'environnement alpin global. »
Selon les résultats d’une étude récente commandée par le WWF en mars dernier, les ours vivant dans l’Italie du Nord pourraient trouver un habitat approprié dans les Alpes suisses s’ils venaient à se promener par delà la frontière, en quête de nourriture. L’étude, menée par KORA, institut suisse de recherche sur les carnivores, a également identifié trois grands corridors entre le Trentin et les vallées du Sud de la Suisse que les ours pourraient emprunter sans être dérangés par les hommes, pour l’essentiel du parcours. Le premier corridor, de 87km, traverse le Parc national italien Stelvio jusqu’à la vallée suisse de Müstair. Le second s’achemine sur 74km à travers le Parc national suisse. Enfin le troisième, de seulement 37,5km de long, débouche dans la magnifique Vallée de Poschiavo, juste au niveau de la frontière italienne.
Toujours selon l’étude, ces trois corridors, couverts à 90 pour cent par des forêts, sont largement à l’écart des espaces ouverts et des peuplements humains. Néanmoins cette région de Suisse accueille toute l’année un grand nombre de visiteurs venant profiter des activités de plein air comme la randonnée, le vélo et le ski, ce qui risque de favoriser les rencontres avec l’ours.
« Si l’ours devait effectivement revenir en Suisse, sa survie à long terme dépendrait non seulement des facteurs environnementaux favorables, mais aussi de l’attitude positive des hommes, notamment de la population locale, » souligne Joanna Schoenenberger.
Protéger le pot de miel
Les randonneurs ont été parmi les premiers à voir l’ours solitaire fouler le sol suisse. La nouvelle s’est rapidement répandue et les touristes ont commencé à affluer dans la région pour être témoins de cet événement historique. C’est une bonne affaire pour l'industrie du tourisme suisse qui a enregistré des taux d’occupation des hôtels bien supérieurs au pic estival habituel, ainsi qu’une fréquentation supérieure des restaurants et des agences d’excursions en plein air. Comme l'explique le propriétaire d'un hôtel : « Tant que des gens verront l’ours, les visiteurs continueront de venir. »
Mais d’aucuns ne se réjouissent pas autant de l'arrivée de l’ours.
Si les ours se contentent facilement de manger des noix, des baies, des racines et bien évidemment, du miel, en tant qu’omnivores ils aiment également la viande. Compte tenu de leur gabarit, ils ne sont pas aussi fins chasseurs que les loups, mais sont réputés chasser le cerf ou autre petit gibier. Ce sont précisément de tels incidents qui inquiètent, voire même révoltent, certains éleveurs suisses, surtout dans la mesure où cet ours en particulier aurait tué 27 moutons et au moins un veau, de juillet à septembre, c’est-à-dire dans un laps de temps très court.
« Après tant de moutons tués par l’ours, les attitudes des gens ont rapidement changé, » affirme Chasper Michael, agent local de conservation de la faune basé près de la station de ski de Scuol, où l’ours est passé.
« Cela faisait une centaine d’années que nous n’avions pas vu d'ours ici, et nous n'y sommes pas habitués. Peut-être les éleveurs devront-ils changer leurs pratiques si d'autres ours viennent par ici. »
Les grands carnivores ayant été éliminés de la région depuis longtemps, les éleveurs suisses s’étaient habitués à laisser paître leurs troupeaux sans protection dans les hauts alpages. Mais après avoir subi quelques attaques de loups, qui ne sont pas passées inaperçues, (à l'instar de l’ours, les loups sont restés absents du paysage suisse pendant environ un siècle, mais plusieurs individus ont été aperçus en provenance de France et d’Italie, depuis 1995), des fermiers ont commencé à prendre des mesures pour protéger leurs troupeaux.
Certains ont amélioré leurs clôtures et introduit des chiens de berger tels que les Patous des Pyrénées et les bergers de Maremme-Abruzzes. Selon le WWF, qui collabore avec les éleveurs suisses afin de protéger leurs troupeaux, une centaine de chiens sont utilisés à ces fins par les bergers. Cette parade, bien qu’elle ne soit pas totalement infaillible, a permis de réduire les pertes de bétail dans certaines régions.
Jachen Planta, éleveur d’ovins dans la Vallée de Müstair où l’ours s’est introduit pour la première fois en Suisse, remercie ses Maremme-Abruzzes d’avoir tenu l’ours en échec, même si lui-même n’a pas vu le plantigrade. Ses chiens, utilisés habituellement pour faire peur aux renards et aux corbeaux, auraient selon lui fait fuir l’ours par leurs aboiements incessants trois heures durant. Quelques nuits plus tard, l’ours a attaqué un troupeau voisin qui n’était pas gardé par des chiens.
Gestion des ordures
En réponse à la présence de l’ours, les autorités du Parc national suisse ont rapidement publié une brochure d’information à l’intention des visiteurs du parc, rappelant quelques notions élémentaires : ne pas quitter les sentiers, faire du bruit (par exemple en attachant une cloche à son sac à dos) et éviter de laisser de la nourriture sur les campements. En cas de rencontre inopinée avec un ours, il est conseillé de garder ses distances, de rester calme et, en cas d’attaque, de s’allonger sur le sol, en position foetale, et de cacher son cou à l’aide de son bras. Heureusement, personne n’a été contraint de recourir à cette solution d’urgence.
Il est extrêmement rare que des ours tuent ou blessent gravement des hommes. Mais suite à l’empiètement des hommes sur l’habitat de l’ours (ou de l’empiètement des ours sur l’habitat de l’homme), les ours peuvent facilement être tentés par les sources de nourriture liées à l’homme (terrains de décharge, poubelles et bennes).
« Dès lors qu’un ours associe l’activité humaine à la nourriture, les rencontres entre l’ours et les hommes risquent de devenir plus fréquentes, » avertit Joanna Schoenenberger.
« Le réel danger pour l’ours dans les Alpes, serait que l’animal perde sa timidité naturelle à l’égard des hommes et qu’il apprenne à associer l’homme à la nourriture. C’est pourquoi il est important d’éduquer les gens sur le comportement de l’ours et sur l’attitude à adopter en sa présence. Il nous faut réapprendre à cohabiter avec lui. »
La gestion des ordures est une façon d’éviter le problème dès le départ. Le WWF travaille à l’élaboration de programmes d’éducation du public sur la gestion des ordures, qui impliquent notamment d’utiliser des poubelles « anti-ours », avec des couvercles scellables en métal.
« C’est la première ligne de défense pour garder les ours hors du territoire humain, » ajoute Joanna Schoenenberger. « Si toutefois un ours commence à s’habituer aux gens et à poser des problèmes, nos pouvons être contraints d’utiliser d’autres outils tels que des pétards et des balles en caoutchouc, pour qu’il se méfie davantage de nous. »
Actuellement, les ours sont protégés par la loi suisse et par la Convention de Berne de 1979 relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel de l’Europe. Mais certains cantons suisses, en particulier ceux susceptibles d’être confrontés à « l’invasion des ours » réelle ou imaginaire, veulent avoir l’autorité de tuer un ours, au cas où il blesserait ou tuerait une personne, ou serait perçu comme une menace réelle.
Tandis que les chasseurs, les représentants officiels du gouvernement et le WWF continuent de travailler sur un futur programme de gestion des ours, l’animal à l’origine de toute cette agitation a disparu de façon fort opportune. En fait, il n’a pas été vu depuis la fin septembre, et un grand nombre de personnes pensent qu’il est rentré hiberner en Italie.
Pour le moment, la Suisse n’a officiellement pas d’ours sur son territoire, mais au printemps prochain, l’ours pourrait bien être de retour, et pas tout seul.
* Mark Schulman est Directeur de la rédaction au WWF International
NOTES DE FIN :
• Le WWF travaille pour la protection des Alpes au niveau national dans le cadre de ses entités nationales ainsi qu’au niveau international par le biais du Programme alpin européen. Lancé en 1999 par WWF-Autriche, WWF-France, WWF-Allemagne, WWF-Italie et WWF-Suisse, le Programme alpin européen du WWF œuvre pour la conservation de la biodiversité dans les Alpes à travers une collaboration transfrontalière avec d’autres ONG et autres parties prenantes.
• Le WWF et ses partenaires déploient de nombreux efforts dans le monde entier pour réduire les conflits entre les hommes et les animaux. On peut citer quelques exemples : les activités d’éducation environnementale sur la conservation des ours (Autriche, Colombie, Slovaquie, Venezuela et Suisse) ; les études sur la répartition des ours (Autriche, Colombie, Italie et Slovénie) ; la mise en place d’avocats de l’ours WWF qui serviraient d’intermédiaires pour la population locale en cas de problèmes avec le plantigrade, et qui seraient chargés de contrôler et d’identifier les dommages causés par les ours (Autriche); le développement de plans de gestion pour les ours bruns avec des recommandations sur le traitement des problèmes occasionnés par les ours à la population, les questions d’indemnités, la gestion des aires protégées, la gestion de la chasse et/ou la collecte de données (Autriche, Roumanie et Suisse) ; et l’élaboration de nouvelles stratégies nationales et internationales qui répondent aux besoins biologiques et écologiques de l’ours à lunettes (Colombie, Équateur, Pérou et Venezuela).
• Comparé à son « cousin » d’Amérique du Nord, le grizzly, qui peut peser plus de 500kg, l’ours brun européen (Urus arctos) a tendance à être plus petit, les mâles et les femelles pesant respectivement jusqu’à 350kg et 200kg. Les ours bruns ont une bosse de tissu musculaire entre les épaules qui leur confère la force nécessaire, au niveau des membres antérieurs, pour creuser. Leurs pattes massives se terminent par de puissantes griffes qui peuvent faire jusqu’à 15cm de long. Malgré leur gabarit, certains ours ont été chronométrés à plus de 50km/h.
• La population totale des ours bruns est estimée à environ 200 000 dans le monde. Les plus grandes populations vivent en Russie, avec 125 000 ours, aux États-Unis avec 32 500 ours et au Canada avec 21 750 ours. En Europe il y a environ 13 000 ours bruns, séparés en 10 populations distinctes, notamment en Italie, en Autriche et en Slovénie. Il n’y a plus d’ours au Royaume-Uni et leur espèce est extrêmement menacée en France et en voie de disparition dans la majorité de l’Europe centrale. La population d’ours bruns des Carpates, estimée entre 5 000 et 8 000 individus, est la population européenne la plus importante en dehors de la Russie (source: Wikipedia).
• La télévision suisse-italienne TSI1 diffusera le 4 décembre 2005 à 11:45 TU une émission environnementale consacrée au retour de l’ours en Suisse.