Mes journées débuteraient au lever du soleil
Mes journées débuteraient au levé du soleil et aux appels du coq. Il serait cinq heures du matin, mais qui s’en soucierait, personne n’aurait de montre. Ensuite, j’irais travailler à la rizière, chercher du bois de chauffe ou aux cours d’alphabétisation donnés par des volontaires du WWF. D’ailleurs, ce serait la première fois de ma vie que je verrais des étrangers blancs. J’y apprendrais l’alphabet malgache et à écrire mon nom. Ils m’auraient présenté la pyramide alimentaire, pour comprendre pourquoi il est important de varier mon alimentation, manger les haricots secs que je cultive et pas seulement les vendre.« Aussi, pendant des séances de planning familial, les volontaires du WWF ont passé du temps à m’expliquer les raisons d’utiliser un contraceptif pour contrôler la natalité. Avec eux, nous avons planté une pépinière de café pour nous donner un moyen de gagner de l’argent à long terme. De même, nous avons semé des courgettes et des carottes en utilisant du compost. Cela n’est pas compliqué, c’est même facile à faire, mais il me manque parfois la motivation pour entretenir mon potager, le désherber, l’arroser. Je suis habituée à ce que la nature soit généreuse sans rien faire.
Durant la venue des volontaires, le WWF a présenté un film dans les écoles pour sensibiliser les enfants à l’importance des forêts pour la conservation de la biodiversité et des espèces endémiques de Madagascar, et j’ai compris que mon mode de vie représentait une menace pour la forêt. Mais c’est la pauvreté qui me pousse à puiser de quoi vivre dans la nature. Les gestes que faisaient mes parents et mes grands-parents, comme chasser les lémuriens ou brûler la forêt, je ne peux dorénavant plus les faire, si je veux que mes enfants aient la chance de les voir. Il faut que je change ma manière de vivre et pour cela, ma condition de vie.
J’apprends donc à constituer des réserves de riz dans le grenier communautaire créé avec l’appui du WWF pour avoir de quoi nourrir ma famille durant la période de soudure. Aussi, le WWF a distribué dix poules, dix canards ou dix lapins à un villageois pilote qui est chargé de les faire se reproduire pour en donner à son tour dix à trois autres villageois et ainsi de suite. « Bonne idée », me direz-vous, mais personne n’a voulu reprendre les animaux du pilote. Pourtant, il avait plus de cinquante bêtes. Pourquoi n’ai-je pas accepté de reprendre ces animaux ? Ma famille a faim. J’aurais pu les manger ou les vendre pour me faire de l’argent…»